Une réforme fiscale des municipalités s'impose afin de stimuler la croissance économique du Canada : Raitt
Le Canada doit réformer le cadre fiscal des municipalités afin qu'elles puissent exploiter leur plein potentiel et devenir ainsi des moteurs d'essor économique pour le pays, déclare Lisa Raitt, coprésidente de la Coalition pour un avenir meilleur.
Dans le cadre d'un groupe d'experts lors de la conférence annuelle 2023 de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), qui s'est tenue récemment à Toronto, Mme Raitt a fait valoir qu'il était temps de repenser la structure fiscale traditionnelle et de donner aux municipalités plus de pouvoir sur leur modalité de perception des recettes.
« Les municipalités ont la capacité de devenir des agents de croissance et de prospérité économique. Mais pour ce faire, elles doivent être plus que de simples vassaux des provinces », a-t-elle affirmé.
Le débat, intitulé « Un nouveau cadre fiscal pour les municipalités », était animé par Carole Saab, cheffe de la direction de la FCM. Les autres intervenants étaient Enid Slack, directrice de l'Institute on Municipal Finance and Governance, School of Cities, à l'Université de Toronto ; le Dr Andrew Boozary, médecin et directeur exécutif fondateur du Gattuso Centre for Social Medicine à l'University Health Network et Maxime Pedneaud-Jobin, président du Comité consultatif externe sur la politique fiscale de la Ville de Montréal et ancien maire de la Ville de Gatineau.
Invitée par M. Saab à exprimer ce qui constitue selon elle les arguments les plus convaincants en faveur des réformes structurelles, Mme Raitt a répondu qu'il fallait proscrire la notion selon laquelle les municipalités seraient un « partenaire de moindre importance » dans la sphère des élus.
Il n'est pas logique que l'on fasse confiance aux municipalités pour qu'elles fournissent des services d'incendie et de police ainsi que de l'eau potable, mais non pour qu'elles déterminent leurs propres sources de revenus, a-t-elle indiqué.
« Serait-ce une question de vie ou de mort? Bien sûr, dit-on aux municipalités, on vous accorde notre confiance. Prenez-la. Mais de l'argent? Oh mon Dieu, non! Nous ne pouvons pas faire confiance aux municipalités... Qu'en feraient-elles? » a interrogé M. Raitt. « Je pense que vous devez cerner le problème et vous assurer de répliquer avec vigueur. »
Stimuler la croissance à long terme du Canada est une tâche ardue, particulièrement à l'heure où nous « nous filons à plein moteur vers la carboneutralité », a-t-elle souligné. Si on ne met pas les bonnes solutions en œuvre, les enjeux auxquels sont confrontées les municipalités auront un impact négatif sur la croissance économique du pays.
Mme Raitt a fait valoir qu'il était impératif que le Canada continue d'attirer les talents et les compétences de partout dans le monde, et qu'il fallait donc mener une sérieuse réflexion pour s'assurer d'offrir aux nouveaux arrivants un logement à proximité de leur lieu de travail, ainsi qu'un accès aux soins de santé et à l'Internet à haut débit.
Dans un survol du mode de financement des municipalités, Enid Slack a souligné le fait que les sources de revenus des municipalités sont très limitées. Si, a-t-elle dit, la plupart d'entre elles « semblent » en bonne santé financière parce qu'elles ont des budgets équilibrés, de faibles taux d'arriérés d'impôts et que les augmentations d'impôts sont maintenues à un niveau égal ou inférieur au taux d'inflation, il n'en demeure pas moins que cela cache le coût réel de la détérioration des services et de l'effritement de l'infrastructure.
La pandémie est venue exacerber ces pressions.
Selon Mme Slack, les enjeux à court terme liés à la hausse des taux d'intérêt et du taux d'inflation finiront par s'estomper, mais la transition vers les énergies propres et les économies vertes alourdira le fardeau financier des municipalités. Le système fiscal a été mis en place au milieu des années 1800 et n'a pas évolué, et elle soulevé que le modèle alors adopté, qui repose sur les impôts fonciers, n'est pas viable pour l'avenir.
« Les gens travaillent de leur domicile ; l'assiette de l'impôt commercial va diminuant, et c'est là un grave problème. Ce n'est pas non plus la taxe qui permet de financer les services sociaux. L'impôt foncier a été conçu pour payer ce qui se rapporte à la propriété, mais pour payer les services sociaux, nous devons regarder ailleurs. »
Andrew Boozary a appelé les élus à adopter des solutions réalistes qui ne soient pas simplement « politiquement rentables ».
« Il y a d'importantes considérations morales... Dans une ville comme Toronto, nous dépensons des millions de dollars pour expulser des personnes des parcs, alors que nous savons que la solution réside dans l'offre de logements supervisés. Nous savons qu'il y a des conséquences très réelles au discours selon lequel nous avons besoin d'une réponse policière d'abord, et non d'une réponse aux enjeux du logement d'abord ou de la santé mentale pour résoudre les problèmes dans les transports publics ».
M. Pedneaud-Jobin a plaidé en faveur de l'abandon du système basé sur l'impôt foncier et prévoit de faire des recommandations à la ville de Montréal cet automne.
Mme Raitt a présenté les objectifs du Tableau de bord de la Coalition pour un avenir meilleur, qui permet de suivre les avancements réalisés au Canada par rapport à 21 indicateurs économiques, sociaux et environnementaux clés.
« Je dirais que les indicateurs clés de performance dépendent étroitement de la santé fiscale des municipalités », a-t-elle fait valoir, en précisant qu'il est important, d'une part, de comprendre et de prendre en compte les différences entre les communautés urbaines et rurales, et d'autre part de soutenir ces communautés pour assurer la prospérité à long terme du pays.