Le Canada rural doit faire partie intégrante du programme de croissance économique
Le Canada rural est censé soutenir la croissance économique du pays et ses gains importants sur la scène internationale, mais les gouvernements n'accordent pas aux enjeux incontournables pour matérialiser ces gains la priorité qui s'impose, affirment les coprésidentes de la Coalition pour un avenir meilleur.
À l'occasion de l'assemblée générale annuelle des Producteurs laitiers du Canada à Winnipeg le mois dernier, Lisa Raitt et Anne McLellan ont fait valoir auprès des délégués que cette situation devait changer.
« Les régions rurales et les petites agglomérations canadiennes doivent pouvoir jouer un rôle important dans le programme de croissance économique pour l'avenir », a déclaré M. McLellan, ancienne vice-première ministre libérale. « En politique, et c'est là une tragédie, les partis et les dirigeants s'investissent là où se trouvent les votes. »
Dans le cadre d'une discussion avec les coprésidentes, Jacques Lefebvre, chef de la direction des Producteurs laitiers du Canada, a souligné le fait que les défis auxquels le Canada rural se trouve confronté sont différents de ceux auxquels font face les régions urbaines, dont la rétention de la main-d'œuvre, l'absence d'Internet à large bande et diverses autres lacunes en matière d'infrastructures. Par conséquent, le Canada rural se sent laissé pour compte, a-t-il fait valoir.
« On demande aux agriculteurs d'être innovants, d'adopter les technologies les plus récentes, mais ils n'ont pas accès à Internet à large bande. On attend des producteurs laitiers et des agriculteurs de garantir la sécurité alimentaire de notre pays et d'en tirer parti pour contribuer à la prospérité économique grâce aux exportations », a-t-il déclaré. « En tant que pays, le Canada rural a d'incroyables atouts. Nous avons des sols fertiles, des terres en abondance, du savoir-faire en matière d'agriculture, des ressources en eau. Nous sommes en excellente posture. Mais comment faire pour que les politiciens le reconnaissent et ne se contentent pas de simplement soutenir que nous devons participer à l'économie? “Nous voulons que vous assuriez la sécurité alimentaire, mais nous ne vous donnons pas les moyens d'agir.” Comment concilier cela? »
En réponse, Mme Raitt a fait valoir qu'il était important de continuer à parler des réussites et des opportunités qui s'offrent dans des secteurs comme celui des produits laitiers.
« Vous vous en sortez très bien, selon moi », s'est félicitée Mme Raitt, ancienne ministre conservatrice des Ressources naturelles, des Transports et du Travail.
Elle a précisé que d'autres secteurs s'intéressent à la manière dont les producteurs laitiers parviennent à communiquer efficacement leurs objectifs en matière de carboneutralité.
« Vous avez été exemplaires en démontrant qu'une industrie peut communiquer très efficacement ce qu'elle met en œuvre pour réduire les émissions, plutôt que ce qu'elle estime ne pas pouvoir faire dans son secteur. Cette approche positive est, selon moi, un atout important », a déclaré Mme Raitt.
Mme McLellan, dont le gouvernement libéral avait promis dès 1996 un accès à Internet à haut débit dans les régions rurales et éloignées, a relevé que les discussions sur les infrastructures portent presque toujours sur les besoins en régions urbaines et fait valoir que les intervenants ruraux doivent participer aux discussions dès le début. À l'heure actuelle, seuls 53 % des régions rurales et éloignées du Canada disposent d'un accès à large bande, contre 90 % des Canadiens vivant en milieu urbain.
Mme Raitt a abondé dans ce sens et souligné que les mesures du Tableau de bord de la Coalition, qui tiennent compte d'une optique rurale, sont destinées à suivre l'évolution de la croissance économique du Canada selon 21 indicateurs reconnus à l'échelle internationale. Cette optique est importante, car nous ne pouvons pas tenir pour acquise la contribution du Canada rural à la croissance économique, a-t-elle fait valoir.
Un producteur laitier a posé une question sur le rôle que sont appelés à jouer les agriculteurs individuels pour contribuer à la prospérité économique.
« Les producteurs laitiers jouent un rôle de premier plan dans la production au Canada. Nous jouons un rôle de premier plan comme intervenants du Canada rural, en agriculture. Le producteur laitier a-t-il un rôle à jouer pour soutenir le développement et veiller à ce que nous ayons un plan pour l'avenir? »
La réponse de Raitt a été sans équivoque : « Absolument », a-t-elle déclaré. « Le parcours vers la prospérité économique passe par les communautés rurales. C'est sur elles que repose notre croissance, et il faut s'en souvenir : lorsque vous avez des discussions politiques, elles ne doivent pas porter exclusivement sur les besoins des grandes villes, mais aussi sur ce qui se passe dans les régions rurales et éloignées du Canada. Il faut se préoccuper de ce qui se passe dans les régions rurales et éloignées du Canada. »
Il est également essentiel de faire de la croissance économique un sujet de discussion pour le Canadien moyen afin d'intégrer les problèmes du Canada rural dans le débat national. « J'en veux pour preuve ce que le gouvernement d'Anne McLellan a dû faire, à savoir attirer l'attention du pays sur le fait que nous avions un problème important de dette et de déficit dans les années 90 et devions adopter des mesures extrêmes pour améliorer notre cote de crédit, puis nous avons tous compris. Nous en avons parlé entre nous et, tous ensemble, nous mettons aujourd'hui tout en œuvre pour y parvenir. Cette façon de faire a été selon moi très efficace », a indiqué Mme Raitt. « Force est de le constater : lorsque les Canadiens comprennent l'importance de la croissance économique à long terme, ils en parlent avec leur entourage ; c'est important. Il est important de veiller à ce que cette discussion ait lieu dans les régions rurales.
Le Canada rural a besoin d'infrastructures pour attirer et retenir les talents
Un autre agriculteur a soulevé une question sur « le développement économique par rapport à la croissance économique et le retard que nous accusons. » Il a fait valoir que le Canada avait l'habitude de développer ses infrastructures avant d'avoir besoin de croissance économique, et qu'aujourd'hui nous essayons de rattraper notre retard dans les deux domaines.
Mme Raitt a répondu que le Canada « ne pense plus à développer des infrastructures pour améliorer la croissance économique ». Les États-Unis ont plutôt « injecté beaucoup d'argent dans leur économie pour stimuler les développements en R et D, en technologies propres, en capture du carbone, en transmission de l'énergie » et plus encore - forçant le Canada à réagir. »
« Il leur fallait réagir, sinon ils allaient être laissés pour compte. Ils ont donc réagi », a déclaré M. Raitt. « Certains diront que "c'est efficace ou que c'est trop". D'autres diront que "ce n'est même pas suffisant et que cela ne sert pas à grand-chose. Cela n'aide pas vraiment." Nous devrons voir ce qu'il en est. Les provinces adoptent des approches différentes. »
Les infrastructures sont également cruciales pour attirer les talents dans les régions rurales, particulièrement dans le contexte de l'augmentation significative des objectifs en matière d'immigration.
« Nous avons vu l'immigration augmenter au Canada ces dernières années. Mais il semble que ces nouveaux Canadiens adoptent surtout les centres urbains. Or, le Canada rural a un grand besoin de main-d'œuvre et se doit de jouer pleinement son rôle dans l'économie. Y a-t-il quelque chose à faire, d'un point de vue politique, pour concilier tout cela? », a demandé M. Lefebvre.
Mme McLellan a fait valoir que les personnes qui viennent au Canada sont naturellement attirées par les centres urbains. « Il s'agit en partie d'une question d'infrastructures et du type d'infrastructures dont ils ont besoin pour s'établir dans un nouveau pays », a-t-elle déclaré.
À titre d'exemple, les nouveaux arrivants peuvent avoir besoin d'une voiture et dépendre des transports publics, lesquels ne sont pas toujours disponibles dans les agglomérations rurales. En outre, la diversité culturelle que les nouveaux arrivants recherchent n'est peut-être pas au rendez-vous.
« Ils veulent être avec des gens qui partagent leurs valeurs culturelles. C'est un sentiment humain naturel. D'une certaine manière, tout cela manque à l'appel dans les régions rurales et les petites agglomérations du Canada », a-t-elle indiqué, tout en présentant aux délégués ce que fait la Nouvelle-Écosse pour attirer les immigrants dans les régions rurales de la province.
« Il faut agir de manière ferme », a-t-elle dit, en soulignant que si l'on veut que les gens s'installent dans les zones rurales, il faut offrir du soutien aux nouveaux arrivants pour les aider à réussir.
« Il faut avoir les infrastructures qui sauront les attirer. Absolument. Les Néo-Canadiens nourrissent certaines aspirations pour leurs enfants. Et si vous ne pouvez pas les convaincre qu'il y a de bonnes écoles et que leurs enfants seront bien accueillis, ils ne viendront pas. Ils iront là où on leur offre ces prérequis. […] Ce que quelqu'un comme l'ancien premier ministre McNeil a fait en Nouvelle-Écosse, c'est agir de manière intentionnelle et se concentrer sur le fait que la Nouvelle-Écosse ne saurait réussir si elle ne disposait pas d'une stratégie ferme pour attirer de nouveaux Canadiens dans la province. »
Mme Raitt a abondé dans ce sens en précisant que nous devions montrer aux habitants d'autres pays les avantages qui vont de pair avec la vie dans les régions rurales du Canada.
« C'est une question d'infrastructure, mais plus particulièrement de logement. Une question de transports en commun. Une question d'éducation. […] Si vous ne montrez pas aux personnes de l'étranger les possibilités qui vont de pair avec le fait de vivre dans les régions rurales du Canada, elles n'en sauront rien », a-t-elle fait valoir. « Selon moi, il faudrait demander au gouvernement fédéral de mettre davantage l'accent sur le Canada rural et sur les possibilités qu'il offre, car si vous venez d'une grande ville de l'Inde, vous n'avez peut-être pas envie d'aller dans une autre grande ville comme Toronto, et vous voudrez peut-être avoir un rythme de vie plus calme, mais non moins satisfaisant. Nous devrions donner aux gens l'occasion d'en prendre conscience, mais je ne pense pas que tel est le cas. Nous dépendons des agents du monde entier qui vendent des billets pour Toronto ou Montréal. Et cela ne fait que nous desservir ».
C'est pourquoi les données et la réflexion à long terme sont essentielles, a fait valoir Mme McLellan.
« Il ne s'agit pas de donner un coup puis le tour est joué. Il faut agir en poursuivant une intention. Être clair quant aux résultats que l'on souhaite obtenir. Disposer de mesures pour déterminer si vous atteignez vos objectifs, et vous y tenir », a-t-elle déclaré. « Vous ne changerez pas les tendances migratoires des Néo-Canadiens en vous contentant d'une seule année de vigilance politique. On parle plutôt ici de décennies. »
En faisant référence au Tableau de bord de la Coalition, Mme Raitt a fait valoir l'importance de mesurer les progrès accomplis si le Canada voulait rester compétitif.
« Le Tableau de bord est l'élément différenciateur », a-t-elle déclaré. « Il nous donne la possibilité, sur une base annuelle, de partager avec les Canadiens les performances de notre pays par rapport à d'autres pays selon des indicateurs vraiment importants aux yeux des Canadiens ».
Les données du Tableau de bord sous les trois thèmes « Une croissance durable, Mieux vivre et Gagner mondialement » seront colligées chaque année jusqu'en 2030.
« Il ne s'agit pas d'un projet improvisé par Anne et Lisa en griffonnant au dos d'une serviette de table », a fait valoir Mme Raitt. « Il s'agit d'un projet bien réfléchi, doté de ressources suffisantes, qui a été examiné par un comité consultatif, lequel a fait valoir que si nous atteignons les objectifs que nous nous sommes fixés d'ici 2030, nous serons le pays le plus inclusif et le plus durable, et nous ferons bonne route vers la croissance économique. »